Le producteur britannique Shackleton s’associe au collectif transnational Saagara pour une relecture intégrale et métamorphosée de leur album 3, salué dès sa sortie en octobre 2024. Ce disque, premier en sept ans pour la formation, avait marqué l’univers du label tak:til par sa rencontre inédite entre clarinette et saxophones jazz, percussions carnatiques d’Inde du Sud et textures électroniques millimétrées, devenant un jalon de l’esthétique Fourth World aux côtés de Jon Hassell, 75 Dollar Bill ou Širom. Cette aventure musicale s’inscrit dans l’évolution du clarinettiste et compositeur polonais Wacław Zimpel, figure d’abord centrale du jazz de son pays avant de s’imposer comme l’un des producteurs électroniques européens les plus singuliers. Avec ses complices Giridhar Udupa, Aggu Baba, K Raja et Mysore N. Karthik, il a donné vie à un album où le studio est traité comme un instrument à part entière, prolongeant une maîtrise instrumentale forgée de longue date. C’est dans ce même esprit que Shackleton, reconnu autant pour ses productions dubstep novatrices que pour ses travaux plus ambient et minimalistes, a été invité à revisiter 3. Ce qui devait être un simple remix s’est transformé en véritable shadow album. Intitulé 3 – The Shackleton Versions, il conserve la tension dramatique et la densité de l’original tout en lui apportant une noirceur plus septentrionale, contrastant avec la chaleur du Sud indien. Entre hommage et confrontation créative, Shackleton fait siens des morceaux phares comme Northern Wind Brings Redemption ou Where Is That Blossom, qui prennent une dimension nouvelle dans cette succession. Plus qu’un exercice de style, l’album s’impose comme un dialogue profond entre deux voix majeures des musiques électroniques expérimentales contemporaines.