Quand on se replace dans le cadre d'une époque où triomphaient Miles Davis, John Coltrane et Thelonious Monk, où de beaux esprits discutaient âprement des mérites d'Ornette Coleman, de Cecil Taylor, d’Eric Dolphy, où l'on s'apprêtait à saluer l'entrée fracassante d'Archie Shepp, lequel se produisait déjà avec le New York Contemporary Five, et du mystérieux personnage qui, en Suède, venait (en janvier) d'enregistrer "My Name Is Albert Ayler" — quand on se remémore cet environnement-là, il paraît clair qu’intégrer, tour à tour à sa palette, au fil des modes, la soul music, le funk, le rock, le disco, le rap et nombre de variantes up-to-date du rhythm and blues, contribuer, en tant que producteur à l’irrésistible ascension de Michael Jackson, et au mouvement "We Are The World" et remporter 27 Grammy Awards au cours de sa carrière, ne pouvait que le discréditer aux yeux des gardiens du temple qui ont toujours vu d’un mauvais œil un succès trop éclatant. Pourtant, nul doute que le succès de Quincy Jones ne s’est pas fait sans talent, dont l’éclatant "Birth Of A Band" et le suave "Big Band Bossa Nova" sont les témoins. Texte d'Alain Gerber