À l'écoute de ces huit chansons qui semblent tanguer doucement et tour à tour lutter ou jouer avec vents et roulis, on n'est pas tout à fait étonné d'apprendre que 'Machination' a été rêvé sur un bateau. Au fil de dix semaines du printemps et de l'été 2019, Annie Lewandowskiet son compagnon naviguent seuls en mer Égée. Marins confirmés, rien ne les avait toutefois préparés à cette expérience extrême, partagés entre exaltation et terreur face au vent, entre émerveillement face aux beautés naturelles et désespoir de voir le plastique envahir les plages et la mer. Aucune routine sinon celle-ci : l'écriture au matin, quand Annie est encore imprégnée de rêves extraordinairement vifs et presque palpables, tiraillée entre réalité vécue et imaginaire. Au moment de débarquer à Lavrio (Grèce), à l'issue de ces soixante-dix jours irradiés de vent et de soleil, elle a les chansons ou leurs esquisses.Sondant d'une voix calme l'amour et la solitude, la mémoire et l'oubli, l'étrange et le familier, Annie Lewandowski vise au coeur avec une économie de mots désarmante, une écriture poétique qui touche à l'intime (n'être plus l'objet du désir de la personne qu'on aime, sur 'Someone Else' comme au politique (la frontière, lieu des fantasmes et des abominations, sur 'Machination'). Issue directement d'un rêve fiévreux, un matin sans vent sous une chaleur étouffante, 'Red Stain' la projette dans une réalité psychédélique où le temps est aboli et les êtres chers sont devenus des étrangers.À cette inspiration heurtée, douloureuse, Powerdove oppose un traitement contrasté, entre la douceur du chant et des motifs de clavier et la myriade de sons percussifs imaginés par Thomas Bonvalet, qui à la fois enveloppent et révèlent les chansons. Enregistré au studio de la Grange Cavale, en Dordogne, 'Machination' obéit à une logique propre au duo, presque magique, où les formes naissent spontanément, à partir d'un dispositif déterminé par Thomas avant même d'entendre les chansons d'Annie. Un dispositif léger qui se déploie en sons inédits, obtenus principalement sur une petite guitare électrique dont les cordes sont matées par du scotch papier, amplifiée exclusivement avec des petits amplis de poche disposés dans l'espace et enclenchés par des interrupteurs à ses pieds. Ces petites enceintes sont associées à des tambourins qui se mettent en vibration à chaque son. On reconnaitra aussi le cliquetis des interrupteurs, un minuteur, un métronome, des sons fragmentés qui créent des jeux de profondeur.