« Ripe » est le cinquième album du trio shoegaze/grunge originaire de Beyrouth, au Liban. Alors que le monde s'effondre autour d'eux, la parolière, chanteuse et guitariste Julia Sabra, le batteur Pascal Semerdjian et le guitariste/bassiste Marwan Tohme transmutent leur rage en quelque chose de transcendantal.Avec son cinquième album studio,Ripe, le trio libanais reprend tout ce qu'il a construit au cours de la dernière décennie et le pousse vers des directions nouvelles et inattendues. Ripe est autant une rupture qu'une évolution naturelle pour le groupe : plus brut, plus sombre, mais avec la même détermination inébranlable - une réponse appropriée aux troubles que traverse actuellement leur région.Le morceau d'ouverture, « I Stand Corrected », donne sans tarder le ton et les thèmes de l'album. On est immédiatement plongé dans un univers sonore brumeux de guitares distordues, de rythmes palpitants et de la voix éthérée de Julia Sabra, chantant la rage, la destruction, la mort et la persévérance. Le mantra répété « Destroy, rebuild, you know the drill » annonce la cyclicité qui traverse l'album.Ripe conserve des traces du son dream-pop caractéristique du groupe, mais l'énergie de l'album est saccadée, urgente et souvent explosivement brute. Une grande partie de l'album a été enregistrée en live dans la maison familiale du batteur Pascal Semerdjian, dans les montagnes libanaises, et cela se voit. Ripe capture le groupe jouant dans la même pièce, au sommet de sa forme, et transpose en studio l'énergie et l'urgence de leurs concerts. Le producteur de longue date Fadi Tabbal crée une fois de plus un environnement sonore parfait pour les chansons, trouvant un équilibre délicat entre richesse et brutalité, lourdeur et éthéré.Sabra s'occupe principalement de la guitare cette fois-ci, et son jeu brut et émotif est au coeur de cet album. Marwan Tohme à la basse et Semerdjian à la batterie ont des voix tout aussi distinctes, mais c'est la somme de ces deux éléments et leur synergie qui transparaît véritablement. Le groupe s'enferme souvent dans des grooves hypnotiques, avec des morceaux comme le brumeux « Colorblind » et le tranchant « Poison », révélant une pulsation rythmique surprenante compte tenu de la lourdeur et des dissonances du morceau. Et si l'on observe un glissement délibéré d'un son originel axé sur les synthés vers une palette plus axée sur la guitare, des couches atmosphériques traversent toujours l'album. Le résultat est un son à la fois viscéral et expansif.« Dust Bunnies », le premier single de l'album, apporte une atmosphère menaçante et troublante qui rappelle les moments les plus sombres de PJ Harvey. C'est une longue liste des frustrations engendrées par la vie au Liban, puisant dans une rage primordiale transmise de génération en génération et culminant avec Sabra qui s'exclame : « Nos ancêtres savaient peut-être / Il n'y a plus où aller ». Ce fatalisme est contrecarré dans « Ruins », une puissante réflexion sur la persévérance : « Comme des racines parmi les pierres / Nous continuons. » Tout au long de l'album, le groupe navigue entre espoir et désespoir, résignation et résilience.